Daniel-François-Esprit Auber est né le 29 janvier 1782, à Caen, d’un père « officier des chasses du roi ». Il n’est donc pas issu d’un milieu de musiciens, mais les arts sont à l’honneur chez les Auber, surtout la peinture. La naissance à Caen est due au hasard d’un voyage de sa famille, toute parisienne, à l’époque.
Destiné au commerce, le jeune homme est envoyé en Angleterre en 1802, pour y apprendre l’anglais. Mais la reprise des hostilités le ramène en France. Il en rapporte ce flegme britannique, ce soin à cacher le travailleur pour ne laisser voir que le gentleman, qui le caractérisera toute sa vie alors que pour la musique, on ne pourrait pas être plus français que lui !
Il commence sa carrière en dilettante, son père ayant pu redresser sa fortune, compromise par ses fonctions auprès du roi, en se faisant éditeur et en ouvrant un cabinet d’estampes très prospère. Pendant des années, il compose à l’aise de la musique de chambre, un petit opéra-comique, L’Erreur d’un moment, pour une société d’amateurs, et même pour le prince de Chimay (Belgique) un opéra-comique en trois actes, (Jean de) Couvin – Couvin est une autre localité belge -. Enhardi par ce succès et bénéficiant de la protection de Bouilly, il met en musique un acte de ce dernier, Le Séjour Militaire, joué à l’Opéra-Comique en 1813. Succès d’estime pour cet ouvrage ainsi que pour un deuxième essai, Le Testament et les Billets doux (1819).
Mais sur ces entrefaites, le père d’Auber, ruiné, meurt et son fils, de dilettante qu’il est et qui écrit en amateur des pastiches de Mozart, doit désormais vivre ou essayer de vivre de sa musique.
En 1820, c’est La Bergère châtelaine où Auber se dégage des banalités conventionnelles, pour développer une individualité, des coupes nouvelles, des mélodies originales. Pourtant le sujet de La Bergère n’est guère original, lui : la musique n’en a que plus de mérite…
En 1821 avec Emma dont le livret est meilleur, Auber remporte un véritable succès, tant à Paris qu’en province.
En même temps, il fait la connaissance de la musique de Rossini, sous l’influence duquel il va renoncer à sa froideur et à sa correction gourmée, pour adopter cette allure libre, élégante, décidée et pleine d’entrain (Auber, dont on a dit qu’il « faisait danser les chaises» !) qui fera tout son charme et son succès.
Par ailleurs, un heureux hasard le met en contact avec Eugène Scribe, le plus important librettiste du siècle et auteur du texte d’une série d’opéras très célèbres. Ils s’entendent à merveille et se complètent parfaitement.
À partir de ce moment, la voie d’Auber est désormais tracée. Il écrira au total 48 pièces dramatiques, opéras et opéras-comiques, composés avec une régularité de métronome, à raison d’un ou deux par an, pour deux théâtres essentiellement. Avec cette production, outre Paris qui est à ses pieds, à de rarissimes échecs près, il conquiert l’Europe entière. On le jouera partout, jusque bien après sa mort. Il sera un des plus prolifiques auteurs lyriques de ce XIXe siècle qui en compta tant et si toutes ses partitions ne sont pas d’égale valeur, la liste contient de véritables chefs d’œuvre, pour la plupart injustement oubliés à notre époque.
Sans doute, n’a-t-il rien eu d’un novateur à la Berlioz ou à la Wagner. Son long passage à la Direction du Conservatoire de Paris n’a laissé que des traces négligeables. Mais il a été l’homme de la musique franche, directe, simple, élégante, discrète. Ses opéras-comiques sont incontestablement meilleurs que ses opéras, parce que plus adaptés à sa muse souriante, détestant le bruit, le fracas et les éclats, comme les paroxysmes dramatiques. Il n’empêche qu’avec La Muette de Portici, lui et Scribe ont créé le prototype du « Grand Opéra » que la France devait favoriser pendant une large partie du XIXe siècle et exporter à l’étranger. Sans Auber (et Meyerbeer) il n’y aurait pas eu Wagner et cette Muette s’écoute encore toujours avec intérêt, même si cette audition ne susciterait plus, comme en septembre 1830, des mouvements populaires, occasion un peu lointaine mais réelle d’une manifestation de sentiments insurrectionnels, mettant en route la révolution belge de 1830 et la naissance de l’Etat belge.
Pour finir, peut-être pourrait-on signaler tout particulièrement les mérites des partitions suivantes qui nous paraissent dépasser les autres en qualité. Arrêtée aux environs de la première guerre mondiale, et empruntée à Charles Malherbe, voici la statistique du nombre de leurs représentations, ce qui n’est pas un critère absolu, mais permet de se faire une idée quantitative du succès de ces œuvres :
. Le Domino Noir (1209 représentations)
. Fra Diavolo (909)
. Le Maçon (525)
. La Muette de Portici (505)
. Haydée (498)
. L’Ambassadrice (417)
. Les Diamants de la Couronne (379).
Pour faire bonne mesure ajoutons peut-être Le Cheval de Bronze, Gustave III (repris par Verdi pour son Ballo in maschera), et Le Premier jour de Bonheur.
Auber est mort à Paris, le 12 mai 1871.
Résumé d’un article de Robert Pourvoyeur
— Références
Vous retrouverez Daniel-François-Esprit Auber dans « Opérette » 56, 97, 113 & 141. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
— Œuvres lyriques
Légende : oc = opéra comique, d lyr = drame lyrique, prolog = prologue, o = opéra, o ball = opéra-ballet
Le chiffre indique le nombre d’actes.
Création | Titre | Auteurs | Nature | Lieu de la création |
1805 | Erreur d’un moment (L’) | Boutet de Monvel (Jacques) | oc 1 | Paris, Doyen (salle) par des amateurs |
1811 | Julie [nouv. vers. de L’erreur d’un moment] | Boutet de Monvel (Jacques) | oc | PBelgique, Château de Chimay |
1812 sept |
Jean de Couvin | Lemercier (Népomucène) | oc 3 | Belgique, Château de Chimay |
1813 27 fév |
Séjour militaire (Le) | Bouilly (Jean Nicolas), Mercier-Dupaty (Emmanuel) | oc 1 | Paris, Opéra-Comique (Feydeau) |
1819 18 sept |
Testament et les billets doux (Le) | Planard (François Antoine de) | oc 1 | Paris, Opéra-Comique (Feydeau) |
1820 27 janv |
Bergère châtelaine (La) | Planard (François Antoine de) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Feydeau) |
1821 7 juil |
Emma ou La Promesse imprudente | Planard (François Antoine de) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Feydeau) |
1823 25 janv |
Leicester ou Le château de Kenilworth | Scribe (Eugène), Duveyrier (Anne Honoré, dit Mélesville) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Feydeau) |
1823 9 oct |
Neige (La) ou Le nouvel Eginard | Scribe (Eugène), Delavigne (Germain) | oc 4 | Paris, Opéra-Comique (Feydeau) |
1823 5 déc |
Vendôme en Espagne [1] | Mennechet (Edouard), Empis (Adolphe) | d lyr 1 | Paris, Opéra (Le Peletier) |
1824 27 avr |
Trois genres (Les) [2] | Scribe (Eugène),Pichat (M.), Mercier-Dupaty (Emmanuel) | prolog 1 | Paris, Odéon |
1824 3 juin |
Concert à la Cour (Le) ou La Débutante | Scribe (Eugène), Duveyrier (Anne Honoré, dit Mélesville) | oc 1 | Paris, Opéra-Comique (Feydeau) |
1824 4 nov |
Léocadie | Scribe (Eugène), Duveyrier (Anne Honoré, dit Mélesville) | d lyr 3 | Paris, Opéra-Comique (Feydeau) |
1825 3 mai |
Maçon (Le) | Scribe (Eugène), Delavigne (Germain) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Feydeau) |
1826 2 juin |
Timide (Le) ou Le nouveau séducteur | Scribe (Eugène), Saintine (Xavier Boniface) | oc 1 | Paris, Opéra-Comique (Feydeau) |
1826 28 nov |
Fiorella | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Feydeau) |
1828 29 fév |
Muette de Portici (La) | Scribe (Eugène), Delavigne (Germain) | o 5 | Paris, Opéra (Le Peletier) |
1829 10 janv |
Fiancée (La) | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Feydeau) |
1830 28 janv |
Fra Diavolo ou L’Hôtellerie de Terracine | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Ventadour) |
1830 13 oct |
Dieu et la Bayadère (Le) ou La courtisane amoureuse | Scribe (Eugène) | o ball 2 | Paris, Opéra (Le Peletier) |
1831 20 juin |
Philtre (Le) | Scribe (Eugène) | o 2 | Paris, Opéra (Le Peletier) |
1831 31 oct |
Marquise de Brinvilliers (La) [3] | Scribe (Eugène), Castil-Blaze (François Henri) | d lyr 3 | Paris, Opéra-Comique (Ventadour) |
1832 1° oct |
Serment (Le) ou Les faux monnayeurs | Scribe (Eugène), Mazères (Edouard) | oc 3 | Paris, Opéra (Le Peletier) |
1833 27 fév |
Gustave III ou Le bal masqué | Scribe (Eugène) | o 5 | Paris, Opéra (Le Peletier) |
1834 24 mai |
Lestocq ou Le retour de Sibérie | Scribe (Eugène) | oc 4 | Paris, Opéra-Comique (Nouveautés) |
1835 23 mars |
Cheval de Bronze (Le) [1° vers.] |
Scribe (Eugène) | o 3 | Paris, Opéra-Comique (Nouveautés) 2° vers.: Paris 1857 |
1836 23 janv |
Actéon | Scribe (Eugène) | oc 1 | Paris, Opéra-Comique (Nouveautés) |
1836 9 avr |
Chaperons blancs (Les) | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Nouveautés) |
1836 21 déc |
Ambassadrice (L’) | Scribe (Eugène), Saint-Georges (Jules Vernoy de) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Nouveautés) |
1837 2 déc |
Domino noir (Le) | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Nouveautés) |
1839 1° avr |
Lac aux fées (Le) | Scribe (Eugène), Duveyrier (Anne Honoré, dit Mélesville) | o 5 | Paris, Opéra (Le Peletier) |
1840 18 mai |
Zanetta ou Il ne faut pas jouer avec le feu | Scribe (Eugène), Saint-Georges (Jules Vernoy de) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1841 6 mars |
Diamants de la Couronne (Les) | Scribe (Eugène), Saint-Georges (Jules Vernoy de) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1842 4 fév |
Duc d’Olonne (Le) | Scribe (Eugène), Saintine (Xavier Boniface) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1843 16 janv |
Part du diable (La) | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1844 26 mars |
Sirène (La) | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1845 22 avr |
Barcarolle (La) ou L’Amour et la Musique | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1847 15 nov |
Premiers pas (Les) ou Les deux génies [4] | Royer (Alphonse), Vaëz (Gustave) [= Nieuwenhuysen (Gustave van)] | oc 1 | Paris, Opéra-National |
1847 28 déc |
Haydée ou Le Secret | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1850 6 déc |
Enfant prodigue (L’) | Scribe (Eugène) | o 5 | Paris, Opéra (Le Peletier) |
1851 16 mai |
Zerline ou La corbeille d’oranges | Scribe (Eugène) | o 3 | Paris, Opéra (Le Peletier) |
1852 27 déc |
Marco Spada | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1855 2 juin |
Jenny Bell | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1856 23 fév |
Manon Lescaut | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1857 21 sept |
Cheval de Bronze (Le) [2° vers.] |
Scribe (Eugène) | o 4 | Paris, Opéra (Le Peletier) 1° vers.: Paris 1835 |
1861 2 fév |
Circassienne (La) | Scribe (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1864 11 janv |
Fiancée du Roi de Garbe (La) | Scribe (Eugène), Saint-Georges (Jules Vernoy de) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1868 15 fév |
Premier jour de bonheur (Le) | Ennery (Adolphe d’), Cormon (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
1869 20 déc |
Rêve d’amour | Ennery (Adolphe d’), Cormon (Eugène) | oc 3 | Paris, Opéra-Comique (Favart) |
[1] avec Hérold (Louis Ferdinand)
[2] avec Boieldieu (François-Adrien)
[3] avec Batton (Désiré-Alexandre), Berton (Henri-Montan), Blangini (Giuseppe Marco Maria Felice), Boieldieu (François-Adrien), Carafa (Michele), Cherubini (Luigi), Hérold (Louis-Ferdinand), Paër(Ferdinando)
[4] avec Adam (Adolphe), Halévy (Jacques Fromental Elie), Carafa (Michele)
Dernière modification: 29/02/2024