Boop ! , Broadway

Il peut sembler étrange de voir une comédie musicale simplement intitulée « Boop ! » (avec un point d’exclamation) dont la vedette est Betty Boop, mais ce phénomène cinématographique issu des années 1930 et des dessins animés de Max Fleischer est resté à l’affiche depuis près d’un siècle grâce à son utilisation dans nombre d’objets décorés à son effigie et aux souvenirs que ces court-métrages ont laissé. Il n’en faut guère plus pour que Betty Boop soit encore d’actualité, cette fois dans une œuvre étincelante, pleine de rebondissements, et qui évoque ses origines avec bonheur.

Fidèle à son passé, la pièce débute en noir et blanc, comme dans les films, et met en scène son héroïne, lasse de vivre à Toon Town et de se soumettre aux exigences de son metteur en scène, d’ailleurs aussi hurluberlu qu’elle est, et qui rêve de se retrouver dans un monde autre que celui qu’elle connaît. Justement son grand père, Grampy, a mis au point un télé-transporteur qu’elle utilise à son insu et qui la transporte à New York, en 2025, un univers plein de couleurs et de gens qui sont totalement différents d’esprit.

Elle y rencontre une gamine de 17 ans, Trisha, qui est une fan d’elle et l’emmène chez elle où elle fait la connaissance de sa mère d’adoption, Carol, et de son frère, Dwayne, un musicien de jazz. Betty préfère se présenter sous un pseudonyme, Betsy, mais quand Dwayne l’entraîne dans un night-club et elle chante, sa voix et son style révèlent sa véritable identité. Maintenant sûre de sa popularité et de son renom, Carol la présente à un politique, Raymond Demarest, qui est en campagne pour devenir maire de la ville et qui l’embauche ; mais quand il essaie de la séduire, elle redevient Betty et le remet à sa place comme il faut.

Entre-temps, Grampy, qui a découvert qu’elle est partie en utilisant son télé transporteur, décide de la suivre pour la ramener à Toon Town. Lui aussi débarque à New York où il retrouve Valentina, un amour d’antan et une scientifique de la NASA. Éventuellement, il trouve également Betty, laquelle est tombée amoureuse de Dwayne, et lui d’elle. Mais Grampy la convainc de revenir à Toon Town en lui affirmant que sans elle son univers disparaîtra. Elle quitte donc New York et Dwayne qui, grâce à Valentina qui lui sert de guide, la rejoint, lui déclare son amour, lui donne un baiser et boom ! Toon Town est soudain plein de couleurs. Rideau !

Si le thème de cette comédie musicale, conçue par Bob Martin, semble un peu simplet, le traitement est plein de vivacité, et plonge ce spectacle dans une ambiance joyeuse qui rappelle les dessins animés de Max Fleischer.

L’interprétation reste au même niveau, avec Jasmine Amy Rogers, nouvelle venue à Broadway, sensationnelle de vérité et de talent dans le rôle de Betty, dont elle imite les manières, les éclats de voix et ses intonations, et même ses mouvements animés. Elle est entourée par des acteurs mesurés et en pleine possession de leurs moyens, comme Faith Prince, actrice bien connue dans le rôle de Valentina ; Ainsley Melham, séduisant acteur australien dans celui de Dwayne ; Stephen DeRosa, vétéran de la scène et très drôle en Grampy grincheux ; et avec Anastacia McCleskey et Erich Bergen, respectivement Carol et Demarest, apportant leur propre soutien dans ces rôles secondaires. Pour la forme, le petit chien de Betty, Pudgy est fréquemment en scène, animé lui aussi par un expert en marionnettes. Mais la vraie révélation de la pièce est Angelica Hale, âgée de 17 ans et faisant ses débuts à Broadway, éclatante sous les traits de Trisha, et qui démontre une maturité et une connaissance de la scène remarquables dans ce rôle.

Les effets techniques, et notamment les éclairages de Philip S. Rosenberg et les costumes de Gregg Barnes, donnent à cette production un reflet plein de couleurs et de vivacité. Les chansons de David Foster et Susan Birkenhead, musique et paroles respectivement, illustrent bien l’action, avec notamment « Ordinary Day », « In Color », « Portrait of Betty », « My New York », « She Knocks Me Out » et « Why Look Around the Corner » parmi les moments qui retiennent l’attention et frappent l’imagination.

La mise en scène de Jerry Mitchell et sa chorégraphie donnent à l’ensemble l’ambiance désirée pour ce transfert scénique d’un dessin animé, et font de « Boop ! » une production qui attire les foules et leur permet de passer deux heures et quelques de plaisir avec cette vedette du cinéma d’antan qui se révèle toujours aussi amusante et séduisante qu’à ses débuts.

Didier C. Deutsch
5 avril 2025

Boop !

Livret : Bob Martin – Musique : David Foster – Paroles : Susan Birkenhead – Orchestrations : Doug Besterman – Direction musicale : Rick Fox – Chorégraphie et mise en scène : Jerry Mitchell – Décors : David Rockwell – Costumes : Gregg Barnes – Éclairages : Philip S. Rosenberg – Son : Gareth Owen – Projections : Finn Ross
Distribution :
Jasmine Amy Rogers (Betty Boop) – Faith Prince (Valentina) – Ainsley Melham (Dwayne) – Erich Bergen (Raymond Demarest) – Stephen DeRosa (Grampy) – Anastacia McCleskey (Carol Evans) – Angelica Hale (Trisha) – Phillip Huber (Pudgy le petit chien) – Aubie Merrylees (Oscar Delacorte).

Première le 5 avril 2025, au Broadhurst Theater, 235 West 44^th Street, New York