Sir Arthur Seymour Sullivan (1842-1900)

Sir Arthur Seymour Sullivan (1842-1900)

Si Jacques Offenbach, Hervé, Planquette, Audran ou Messager ont su, en leur temps, conquérir les scènes londoniennes, les compositeurs anglais d’opérette, par contre, n’ont jamais réussi sérieusement à se faire connaître de notre côté de la Manche. Sir Arthur Seymour Sullivan et son librettiste de prédilection William Schwenck Gilbert – une véritable institution en Grande-Bretagne – sont inconnus sur l’Hexagone, si l’on excepte bien entendu quelques connaisseurs. Et pourtant, leur célèbre Mikado est populaire non seulement dans les pays de langue et de culture anglaise, mais également en Allemagne ou en Italie.

Un trio novateur

gilbert
William S. Gilbert

Il ne fait pas de doute que c’est l’exemple d’Offenbach et de Hervé qui a incité les Britanniques à délaisser le genre du « burlesque » et de l’« extravaganza » qui, avec l’opéra-comique version anglaise, est l’essentiel de ce qui se produit au 19ème siècle au Royaume-Uni, en fait de théâtre lyrique léger. Cela va changer grâce à trois hommes, désireux d’y créer l’équivalent du répertoire d’Offenbach, pour ne plus devoir « importer » et offrir quelque chose de plus étroitement adapté au goût de leur public.

Le directeur de théâtre Richard d’Oyly Carte (1844-1901) a l’idée audacieuse de réunir deux artistes qui, sans lui, ne se seraient pas connus : un librettiste génial auquel manque un musicien, et un musicien raffiné, connaissant à fond l’art de la composition mais qui n’a pas encore pensé à écrire d’ouvrages lyriques légers. William Schwenck Gilbert a étudié le droit et acquis une certaine notoriété dans le théâtre parlé et quelques « extravaganzas » loufoques, pourvues de musique généralement peu intéressante. Arthur Sullivan est un musicien qui s’est spécialisé dans l’oratorio, la cantate, les hymnes et les ballades, Pour lui, l’opéra ne peut qu’être sérieux et il sera toute sa vie déchiré entre deux sentiments contradictoires, le poussant tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre direction : continuer à produire des ouvrages à succès avec Gilbert, ou se consacrer à la muse sous ses habits austères et composer des oratorios, des musiques de scène pour des drames, un opéra, des mélodies, afin de démontrer au monde qu’il est le meilleur compositeur de son époque. Or, dans le premier cas, ce qu’il gagne lui permet la vie à grandes guides, et la satisfaction de sa passion du jeu ; dans l’autre, c’est le respect, mais aucun succès d’argent.

Une complicité parfois compliquée

On s’est plu à proposer la collaboration des deux hommes comme un exemple admirable de ce que la conjonction de deux grands artistes pouvait donner. Effectivement, ce qu’ils ont produit ensemble a presque toujours été remarquable, alors que chaque fois que chacun d’eux a essayé de faire du théâtre musical sans l’autre, ce fut pratiquement l’échec. Mais que de tiraillements entre ces deux artistes, chacun essayant de démontrer que le succès était dû son apport – tiraillements qui devaient déboucher sur une rupture éclatante, puis sur une réconciliation qui ne fut qu’une demi-réussite, avec une perte sensible dans la qualité de leurs travaux. Encore est-ce Sullivan qui a fait le plus de concessions, le genre qu’ils pratiquaient en commun exigeant une intelligibilité parfaite des paroles, au détriment de certains effets musicaux auxquels il devait renoncer.

Impossible en outre d’imaginer deux hommes plus différents ; Sullivan, très mondain, diplomate, courtois, un peu dissimulé, conciliant, bohème, désorganisé et dépensier : Gilbert, imbu de lui-même, dictatorial, minutieux, susceptible, méchant, grossier. Tous deux étaient toutefois des maîtres, l’un dans l’art des sons (mélodies et composition), l’autre dans l’art des mots (forme et fond), l’esprit férocement satirique et un sens exceptionnel du théâtre

« Le canon »
Voici une brève description de ce que les Britanniques appellent le « canon », c’est-à-dire les 13 opéras de «G & S » restés au répertoire (14 en y ajoutant Thespis, dont seuls deux morceaux de la partition ont survécu.

sullivan trial

Trial by Jury (1875) est le seul un-acte que je connaisse, qui reproduit une scène de tribunal. Un juge, qui vient de se débarrasser de sa fiancée, doit se prononcer sur une affaire de rupture de promesse de mariage et finit par épouser la plaignante. Hilarant et bref ; musicalement, une réussite parfaite : pas une note de trop ! Il faut tout écouter.

The Sorcerer (1877) est une satire des milieux ruraux anglais et met même un très gentil pasteur en scène, dans une histoire de philtre qui doit rendre amoureux, mais qui réunit les êtres les moins faits pour s’entendre, Quelques airs très jolis, et une valse ressemblant étonnamment à la barcarolle des Contes d’Hoffmann, qui sont postérieurs au Sorcerer, mais dont la barcarolle avait déjà été utilisée dans les Rheinnixen d’Offenbach (1864), qui n’eurent pas de succès.
À écouter : des romances au style de « ballad », une gavotte, l’air d’entrée du sorcier.

HMS Pinafore (1878) – le nom d’un bateau – est surtout la condamnation du snobisme sous toutes ses formes. Joséphine, la fille du capitaine Corcoran, ne peut épouser le simple matelot Ralph. Heureusement, il s’avère que Corcoran et Ralph ont été mélangés dans un bain, lorsqu’ils étaient bébés. Rien ne s’oppose plus au mariage de Ralph et de Joséphine. Dans le monde farfelu de G & S, des questions telles que celles de l’âge de Ralph sont sans importance. Cet opéra qui se gausse de la marine anglaise a été le véritable tournant de carrière pour les auteurs, qu’il a rendus célèbres dans le monde anglo-saxon tout entier.
À écouter : les 2 airs de Corcoran et celui de Sir Joseph : les chœurs de matelots ; le madrigal ; plusieurs duos.

sullivan pirates1The Pirates of Penzance (1879) raconte l’histoire d’un jeune homme élevé par erreur chez des pirates (« pâirett ») alors que l’intention était d’en faire un pilote (« pâilott »). Esclave du devoir, il les servira jusqu’à ses 21 ans ; mais comme il est né un 29 février, il ne fête son anniversaire que tous les 4 ans : la jolie Mabel pourra-t-elle attendre aussi longtemps et Frederic devra-t-il rester au service des pirates ? Ceux-ci se sont entre-temps rendus maîtres du général-major Stanley et de sa vingtaine de filles (« toutes de vraies beautés ») – bien que celui-ci ait en vain argué du fait qu’il était orphelin. La vue du drapeau anglais et le nom de la reine ramènera à la raison ces pirates, qui étaient d’ailleurs tous de bonne famille mais avaient mal tourné. Ils épouseront les demoiselles Stanley.
À écouter : l’air du roi des pirates ; celui de Ruth ; celui du général-major ; celui de Frederic, la valse de Mabel ; les chœurs de pirates ; la grande marche, fredonnée dans le monde entier (y compris par des gens qui ne savent pas que c’est de Sullivan) ; les deux interventions des agents de police et quelques excellents ensembles.

Patience (1881) est une satire des milieux et mouvements littéraires (les Préraphaélites ; Swinburne ; Oscar Wilde). Vingt jeunes filles,sullivan patience précédemment fiancées à des militaires du 35èmedragons, se meurent d’amour pour Bunthorne un poète désincarné et incompréhensible, qui est amoureux de la laitière Patience. Cette jeune fille ignore le mal d’amour, mais on lui explique que l’amour est essentiellement un sentiment altruiste. En fait Bunthorne n’aime pas la poésie. mais c’est le seul moyen d’attirer les suffrages des belles dames… Entrée de Grosvenor, un autre poète « esthétique », ami d’enfance de Patience, qui déclare avoir le malheur d’être si beau que toute femme tombe amoureux de lui. Lui aussi aime Patience, mais celle-ci lui démontre que si elle l’aime, ce sentiment ne peut pas être vraiment de l’amour, puisque l’amour est un sentiment altruiste et que Grosvenor est trop parfait pour qu’elle puisse l’aimer vraiment (!) Elle décide par contre d’épouser Bunthorne, dont la masse de défauts ne peut que provoquer un sentiment altruiste. Bunthorne se réjouit de cette décision, mais pas des raisons de celle-ci et d’ailleurs, il est très mécontent de voir toutes ces dames suivre désormais Grosvenor. Les officiers des dragons ont entre-temps abandonné leurs uniformes, et portent les cheveux longs et ont l’air « esthétique ». Bunthorne convainc Grosvenor de redevenir un homme ordinaire ; il imitera, lui, les façons de Grosvenor. Hélas, il en résulte que Patience n’éprouve plus aucune difficulté à l’aimer, puisqu’il n’est plus parfait… Bunthorne épousera la vieillissante lady Jane, et les jeunes filles, les dragons.
À écouler ; tout, dans cette excellente partition, considérée par des connaisseurs comme la meilleure de la série. Il est en effet impossible de ne pas en citer tous les numéros.

IolantheIolanthe (1882), satire de la Chambre des Lords, mais aussi des contes de fées (avec d’amusants clins d’œil vers la Tétralogie de Wagner) se situe à l’intersection du monde des fées et des Lords. La fée Iolanthe. bannie par la reine des fées, pour avoir épousé un mortel, reçoit son pardon. Son fils Strephon (qui est fée jusqu’à la taille mais dont les jambes sont mortelles) se réjouit d’épouser Phyllis, bien que le tuteur de celle-ci (rien moins que le Lord Chancellor, le président de la Chambre des Lords et ministre de la Justice lui-même) s’y oppose, car il veut épouser lui-même la jeune fille. Iolanthe promet d’aider son fils, qui l’embrasse mais est surpris ainsi par Phyllis qui ignore que la mère de Strephon est une fée et le voit embrasser une jeune fille de 17 ans : « Sa mère ? Impossible ! » Phyllis, par dépit, décide d’épouser un des Lords, et la reine des fées réplique en faisant entrer Strephon, par magie, à la Chambre des Lords, qu’il réformera en outre de fond en comble ! Strephon s’explique avec Phyllis. Au Lord Chancellor, qui a décidé d’épouser lui-même Phyllis, Iolanthe révèle qu’elle est sa propre femme. Toutes les fées et tous les Pairs s’envolent pour le pays des fées.
À écouter dans cette exquise partition : les deux airs du Chancelier, la marche des Pairs, les duos Phyllis-Strephon, les ensembles, l’air de la reine des fées et celui de la sentinelle…

sullivan princess ida

Princess Ida (1884) est une satire autour de l’entrée des femmes à l’université, sujet déjà dépassé à l’époque. Le fait d’y avoir mêlé le personnage sérieux de The Princess de Tennyson ajouta une note hybride et l’opéra eut un moindre succès, malgré une musique souvent remarquable. Ida et Hilarion, tous deux enfants de roi, ont été fiancés dès l’enfance, mais Ida, une fois adulte, refuse le mariage, et s’enferme avec un groupe de dames dans une vaste demeure, vouée à l’étude et à la science. Hilarion et ses amis, déguisés en dames-étudiantes, s’introduisent dans le château, mais sont démasqués et renvoyés. Plutôt que de laisser enlever la demeure de haute lutte par ses soldats, le père d’Hilarion propose une lutte entre son fils et les frères d’Ida, lutte où Hilarion l’emporte.
À écouter : toute la partie d’Ida, qui est de très grande beauté ; la fable du singe ; l’air à la Haendel, d’Arec ; et le trio, notamment.

the mikadoLe Mikado (1885). Nanki-Poo, fils du Mikado, mais déguisé en musicien, aime Yum-Yum, la pupille de Ko-Ko, Ce tailleur a été promu bourreau dans la ville japonaise de Titipu, parce qu’il était condamné à mort (pour flirt! } – le meilleur moyen de ne plus exécuter personne étant de nommer bourreau un condamné à mort, incapable de se trancher sa propre tête. Mais le Mikado apprend qu’on n’exécute plus à Titipu et exige une exécution dans le mois. Ko-Ko propose à Nanki-Poo qui est sur le point de se suicider, de l’exécuter, ce que ce dernier accepte en échange de la main de Yum-Yum.. Mais la femme d’un condamné doit être enterrée vivante ; du coup Yum-Yum refuse le mariage, et Nanki-Poo l’exécution. La solution est de simuler une exécution et de laisser fuir les jeunes gens. Arrivée du Mikado, qui découvre que Ko-Ko a exécuté l’héritier du trône et doit donc être décapité. Ko-Ko n’a plus qu’à séduire l’influente et terrifiante virago Katisha, pour rompre le cercle infernal.
Le Mikado est le plus internationalement populaire des opéras de G & S, et sans doute aussi le plus joué. La satire ne vise évidemment pas le Japon, mais l’Angleterre : égoïsme des gens, vénalité des dirigeants, lois sans souplesse, dangers du pouvoir absolu.
À écouter : à l’acte 1, les airs d’entrée de Nanki-Poo et de Ko-Ko : le trio des jeunes filles ; celui qui suit presque tout de suite après et le finale : à l’acte Il, l’air de Yum-Yum ; l’entrée du Mikado ; l’air de Katisha ; celui de Ko-Ko, et le duo Katisha -Ko-Ko.

La version française de Charles Kufferath a été créée au théâtre de l’Alhambra de Bruxelles le 23 décembre 1889. En France, un concert public de France Culture dans une adaptation de Tony Meyer en 1965. En version originale, l’Opéra de Toulon a présenté quelques représentations du Mikado de l’Opéra d’Orlando (USA). La création française – en langue française – a eu lieu à Tours le 7 novembre 2003 (voir article Opérette n° 128)

sullivan ruddigore

Ruddigore (1887) se moque des mélodrames romantiques, si prisés au 19e siècle. Une sorcière a jeté un sort sur les baronnets de Ruddigore : l’aîné de la race devra commettre tous les jours un crime, faute de quoi il mourra dans la torture. Le jeune Robin est amoureux de Rose, une jeune fille très attachée à l’« étiquette », aux bonnes manières. Robin est en fait Ruthven Murgatroyd, baronnet de Ruddigore, qui lors de son accession au titre, a fui en laissant à son frère Despard ledit titre… et la malédiction. (Rassurez-vous : après son crime quotidien, Despard fait chaque jour le bien, toute la journée). Le timide Robin demande à son frère de lait, le marin Richard, de demander pour lui la main de Rose. Richard, ébloui par Rose et fidèle au principe que son cœur doit lui dicter sa conduite (!), plaide plutôt pour lui-même; mais Robin étant plus riche, l’innocente (!) Rose préfère ce dernier. Sur quoi, Richard, suivant toujours son cœur {!}, informe Despard que son frère aîné vit toujours. Rose ne veut plus de Robin et reprend Richard, tandis que Despard file le parfait amour avec Margaret, devenue folle de chagrin, mais qui revient plus ou moins à la raison.
Robin, devenu baronnet, essaie de persuader la galerie des portraits d’ancêtres qu’il commet un vrai crime tous les jours, mais ceux-ci n’en sont pas convaincus et exigent l’exécution de la malédiction. Voulant faire enlever une jeune fille, il ne réussit qu’à capturer la mûrissante Dame Hannah, qui fut la fiancée de Roderic, le chef des personnages de la galerie de tableaux. Celui-ci est plus que contrarié, mais voilà que Robin a une inspiration. Les Ruddigores ne meurent qu’en refusant de commettre un crime ; refuser d’en commettre est donc un suicide, ce qui est un crime. Donc Roderic n’aurait pas dû mourir. Les fantômes menaçants sont par conséquent « pratiquement vivants » et ne tourmenteront pus les Ruddigores à venir.
À écouter : voilà une partition injustement négligée, pendant longtemps. C’est excellent, depuis le chœur d’entrée, l’air de Rose, son duo avec Robin, les 2 airs successifs de Richard, l’air de Margaret (très curieux) et celui de Despard, le final du I, le duo de Richard et de Rose, la superbe scène de la galerie de tableaux (remarquablement basée sur la scène de la Gorge aux loups du Freischütz) et l’hilarant duo de Despard et Margaret, redevenus respectables.

De The Yeomen of the Guard (1888), on pourrait dire que ce sont Les Contes d’Hoffmann de Sullivan, n’était qu’il a écrit par ailleurs un sullivan yeomen opéra sérieux, Ivanhoe. Il n’empêche que le sujet est infiniment plus mélancolique que les autres. Le colonel Fairfax va être exécuté pour sorcellerie ; pour éviter que sa fortune n’aille au parent qui l’a dénoncé injustement, il demande à épouser quelqu’un avant de mourir. Or, voici Jack Point, un baladin, avec Elsie sa collègue, qu’il aime ; ils se laissent persuader et Elsie contracte un mariage blanc avec Fairfax. Mais le mariage une fois célébré – chacun des mariés a les yeux bandés – le sergent Meryll, un des gardiens de la Tour de Londres (les « yeomen ») fait échapper Faixfax en le faisant passer pour son fils Leonard, absent. Jack persuade le geôlier de mettre en scène une pseudo-tentative d’exécution de Fairfax fuyant, ce qui a pour seule conséquence que Fairfax, qui a deviné qui il a épousé, fait la cour à une Elsie qui ne sait plus à quel saint se vouer. Heureusement, Fairfax est réhabilité et filera le parfait amour avec Elsie, tandis que Jack « s’écroule, privé de sentiment à leurs pieds » (mort ? évanoui ?).
À écouter : outre la très belle ballade, un vrai tour de force technique, qui est le morceau central, il y a le célèbre « ls life a boon ? », deux airs de Phoebe et un d’Elsie, un quatuor, un trio, et le très beau motif de la Tour de Londres.

sullivan gondoliersThe Gondoliers (1889) est celui des titres qui ressemble le plus à ce que sera la comédie musicale « edwardienne » (du temps du roi Edouard) qui succèdera aux œuvres de G & S. Très ensoleillé – paroles et musique -, l’ouvrage est moins ciblé, plus diffus en tant que satire ; citons quand mime : « Lorsque tout un chacun est quelqu’un, alors personne n’est quoi que ce soi » (« when everybody is somebodee (sic), then no one’s anybody ! » Casilda, la fille du duc de Plaza-Toro, a été mariée à l’âge de six mois à l’héritier du trône de Barataria, qui a été amené à Venise lors d’une insurrection dans son royaume. Le gondolier auquel il fut confié, est mort depuis, mais en laissant… deux fils ! Dans l’incertitude sur l’identité du roi, les deux jeunes gens régneront ensemble. Cela ne fait pas l’affaire du duc de Plaza-Toro – mais davantage celle de Casilda qui, elle, aime Luiz, le domestique du duc. Tout s’arrangera lorsqu’il s’avérera que c’est Luiz, et non un des deux gondoliers, qui est l’héritier du trône.
>À écouter : quantité de rythmes italiens d’abord {musique des gondoliers} et un peu d’espagnols ensuite (Barataria est un royaume, dans le Don Quichotte de Cervantès), dans cet ouvrage charmant extraverti.

Les deux derniers ouvrages, écrits après la dispute et la réconciliation, n’ont jamais vraiment réussi. Ils contiennent pourtant de bonnes choses.

sullivan utopiaDans Utopia Limited (1893), le système de gouvernement de Paramount roi d’Utopia, une île du Pacifique, est le « despotisme tempéré par la dynamite », avec un « exploseur public », chargé de dynamiter tout ce qui est dénoncé par les deux « Sages » du régime. Paramount charme ses loisirs en publiant anonymement une feuille de ragots sur ses propres agissements. Lorsque la fille de Paramount revient d’Angleterre, le pays a été complètement anglicisé et Paramount décide en outre de transformer le régime en une « monarchie selon les principes de la responsabilité limitée », ce qui s’avère un succès tel, qu’il n’y a plus ni crimes, ni guerres, ni maladies dans le pays. Heureusement Paramount crée à nouveau quelque chose qui manquait : le gouvernement au moyen de partis politiques – grâce à quoi l’inefficacité règne) heureusement à nouveau.
La musique de cet ouvrage très politique, où Gilbert donne libre cours à son amertume de ne pas avoir été anobli alors que Sullivan l’avait été, lui, est d’un niveau très intéressant, mais n’a pas réussi à devenir populaire.

the grand dukeEnfin, The Grand Duke(1896) est situé dans un grand duché imaginaire où des conspirateurs veulent remplacer le grand duc par le chef d’une troupe de comédiens. Il y a aussi une forme légale de duel au moyen d’un jeu de cartes, le joueur tirant la carte la plus basse étant considéré comme mort ; cette loi abolie puis réintroduite, est finalement considérée comme non existante. On a été très injuste pour la musique, trop facilement considérée comme celle d’un musicien vieilli et épuisé.

En conclusion

Sullivan, s’inspirant de la recette d’Offenbach, fait alterner la tendresse et le sarcasme, la mélancolie et l’ironie, les aspects élégiaques et sentimentaux avec cette musique « sèche » et très détachée que l’on rencontre aussi dans l’école française du théâtre lyrique léger ou gai. Des textes étincelants d’esprit et de culture, une musique impeccable quant à la forme et débordante d’inventivité quant à l’abondance mélodique : voilà le secret magique de Gilbert and Sullivan.

Robert Pourvoyeur

(1) Sur Gilbert et Sullivan et l’opérette anglaise voir les articles dans Opérette, n° 40 et 41 ; sur Le Mikado, voir Opérette n° 80.

– Les œuvres
Légende : opé = opérette, oc = opéra-comique, ob = opéra-bouffe, o = opéra, bm = bouffonerie musicale, vo = version originale, vf = version française.
Le chiffre indique le nombre d’actes

Œuvres représentées en français

Création Titre Auteurs Nature Lieu de la création
1889
23 déc
Mikado (Le)
[The Mikado]
[1° vf]
Kufferath (Maurice) opé 2 Bruxelles, Alhambra
2° vf: Tours 1992
vo: Londres 1885
1992
7 nov
Mikado (Le)
[The Mikado]
[2° vf]
Meyer (Tony) [1] opé 2 Tours, Grand Théâtre
1° vf: Bruxelles 1889
vo: Londres 1885
1975
automne
Black Mikado (The) ? opé Paris, Gymnase

[1] d’après la version donnée à Radio France en 1965

Versions originales ou œuvres non représentées en français

Création Titre Auteurs Nature Lieu de la création
1864
21 mai
Île enchantée (L’) ? ballet Londes, Covent Garden
1864
8 sept
Kenilworth Chorley (Henry F.) masque Birmingham, Festival
1867
13 avr
Sapphire Necklace (The) [The false heiress] Chorley (Henry F.) o Londres, Crystal Palace [1]
1867
11 mai
Cox and Box, or The Long-lost Brothers Burnand (Francis Cowley.) oc 1 Londres, Adelphi
[1° représentation en privé en mai 1866]
1867
18 déc
Contrabandista (The), or The Law of the Ladrones Burnand (Francis Cowley) opé 2 Londres, St George Opera House
2° vers. : Londres 1894 [The Chieftain]
1869
8 sept
Prodigal Son (The) [2] oratorio Worcester,Three Choirs Festival
0871
1° mai
On Shore and Sea Taylor (Tom) catate Londres, Royal Albert Hall
1871
26 déc
Thespis, or The gods grown old Gilbert (William Schwenck) o 2 Londres, Gaiety
1873
27 août
Light of the World (The) ? oratorio Londres, Gaiety
1875
25 mars
Trial by Jury Gilbert (William Schwenck) ob 1 Londres, Royalty
1875
5 juin
Zoo (The) Bolton Rowe (= B. C. Stephenson) bm 1 Londres, St James’s
1877
17 nov
Sorcerer (The) [1° vers.] Gilbert (William Schwenck) ob 2 Londres, Opera-Comique
1878
25 mai
H.M.S. Pinafore or The lass that loved a sailor Gilbert (William Schwenck) ob 2 Londres, Opera-Comique
1879
30 déc
Pirates of Penzance (The) or The slave of duty Gilbert (William Schwenck) ob 2 Paignton, Bijou Theater
Londres, Opera-Comique 3 avr 1880
1880
15 oct
Martyr of Antioch (The) Milman (Henry Hart) [3] Leeds, Festival
1881
23 avr
Patience or Bunthorne’s Bride Gilbert (William Schwenck) ob 2 Londres, Opera-Comique
1882
25 nov
Iolanthe or The peer and the peri Gilbert (William Schwenck) ob 2 Londres, Savoy
1884
5 janv
Princess Ida or Castle Adamant Gilbert (William Schwenck) ob 3 Londres, Savoy
1884
11 oct
Sorcerer (The) [2° vers.] Gilbert (William Schwenck) ob 2 Londres, Savoy
1885
14 mars
Mikado (The) or The town of Titipu Gilbert (William Schwenck) ob 2 Londres, Savoy
1° vf: Bruxelles 1889
2° vf: Tours 1992
1886
16 oct
Golden Legend (The) Bennett (Joseph) cantate Leeds, Festival
1887
22 janv
Ruddigore or The witch’s curse Gilbert (William Schwenck) ob 2 Londres, Savoy
1888
3 oct
Yeomen of the guard (The) or The merryman and his maid Gilbert (William Schwenck) ob 2 Londres, Savoy
1889
7 déc
Gondoliers (The) or The king of Barataria Gilbert (William Schwenck) ob 2 Londres, Savoy
1891
31 janv
Ivanhoe [1° vers.] Sturgis (Julian) o 5 Londres, Royal English Opera
1892
17 mars
Foresters (The) Tennyson (Alfred) [4] New York, Daly’s Theatre
1892
24 sept
Haddon Hall Grundy (Sydney) opé 1 Londres, Savoy
1893
7 oct
Utopia Limited or The flowers of progress Gilbert (William Schwenck) ob 2 Londres, Savoy
1894
12 déc
Chieftain (The) Burnand (Francis Cowley) oc 3 Londres, Savoy
1° vers.: Londres 1867 [The Contrabandista]
1895
14 fév
Ivanhoe [2° vers.] Sturgis (Julian) o 5 Liverpool
1896
7 mars
Grand duke (The) or The statutory duel Gilbert (William Schwenck) opé 2 Londres, Savoy
1897
25 mai
Victoria and Merrie England Coppi (Carlo) ballet Londres, Alhambra
1898
28 mai
Beauty Stone (The) Pinerd (Arthur W.), Carr (J. Comyns) o 3 Londres, Savoy
1899
29 nov
Rose of Persia (The) or The Story-Teller and The Slave Hood (Basil) oc 2 Londres, Savoy
1901
27 avr
Emerald Isle (The) or The Caves of Carrig Cleem [5] Hood (Basil) opé 2 Londres, Savoy

[1] non représenté, extraits
[2] “d’après un texte tiré des Saintes écritures”
[3] drame musical sacré
[4] musique de scène pour la pièce d’Alfred Tennyson
[15 avec German (Edward)

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