La mythique salle du Lido des Champs-Élysées complètement disparue ? Eh bien non ! Bienvenue au LIDO 2 dorénavant dédiée à la comédie musicale ! La direction du lieu, et ce n’est pas une surprise, est confiée à un spécialiste du genre en la personne de Jean-Luc Choplin. Après le Châtelet et Marigny, ce dernier continue d’explorer le répertoire du musical américain en nous proposant A Funny Thing Happened on the Way to the Forum, le premier ouvrage de Stephen Sondheim présenté à Broadway en 1962.
Pour ce Forum en folie, on peut parler de triomphe réel : 964 représentations de 1962 à 1964, deux reprises en 1972, puis en 1996 avec l’hilarant Nathan Lane. La création londonienne (qui date de 1972) sera précédée en 1966, d’une adaptation cinématographique signée Richard Lester (4 garçons dans le vent, avec les Beatles)
Cet ouvrage, dont il signe pour la première fois le livret et la musique, représente pour Sondheim une véritable consécration et marque le début d’une série de créations célèbres s’étendant pendant plus de 60 ans :A little night music, Sweeney Todd, Passion, Into the woods… qui feront probablement de lui le plus grand compositeur du 20ème siècle.
Prélude à la Commedia Dell’arte, ou semblable aux farces de Shakespeare et de Molière, l’argument de ce Forum est directement inspiré de Plaute, auteur comique latin (254 à 184 avant JC). L’action se situe au sein de trois maisons, dans une rue de la Rome antique. Prologus, un esclave rusé, (joué par Rufus Hound) s’efforce d’aider son maître à conquérir l’élue de son cœur, afin qu’il lui accorde la liberté. Mais les choses ne se passent pas exactement comme prévu.
Nous sommes ici dans un véritable vaudeville avant l’heure, aux multiples coups de théâtre et rebondissements en cascade. Le show est brillant, notamment dans sa construction : dès l’entrée, il nous présente un numéro (Comedy tonight) digne d’un final, qui, tout en nous plongeant sans attendre dans l’ambiance, présente astucieusement les protagonistes de la pièce.
La distribution, quasiment Anglo-saxonne, est constituée de grands noms de la scène britannique, à l’exception des deux figures féminines qui sont françaises (Neïma Naouri et Valérie Gabail). Tous se révèlent d’un niveau réellement inégalable, autant en chant qu’en comédie, et s’ils appartiennent à des générations différentes, ils se montrent vraiment bluffants, notamment John Owen-Jones (élu plus grande voix galloise vivante), qui interpréta plus de 2000 fois le rôle du fantôme dans Le Fantôme de l’Opéra ainsi que celui de Jean Valjean dans le musical Les Misérables.
Les dialogues amusants ponctués de chansons maintenant légendaires (directeur musical et arrangeur : Gareth Valentine), les tableaux spectaculaires (dont un présentant des femmes fleurs sortant de l’eau, façon Esther Williams) imaginés par le scénographe Tim Hatley, les costumes signés Takis et reproduisant d’authentiques vêtements romains, la chorégraphie, confiée à Carrie-Anne Ingrouille (dont le travail unanimement salué par la critique pour le spectacle Six actuellement à l’affiche à Londres et à New York), ainsi que la mise en scène spectaculaire de l’Irlandais Cal Mac Crystal, font de ce spectacle un véritable enchantement.
Dorénavant, la voie de Broadway croise celle des Champs-Élysées, ce dont nous ne nous plaindrons nullement !
Philippe Pocidalo
05 novembre 2023
Distribution :
Rufus Hound (Pseudolus) – Andrew Pepper (Hysterium) – Patrick Ryecart (Senex) – David Rintoul (Erronius) – Martyn Ellis (Marcus Lycus) – John Owen-Jones (Miles Gloriosus) – Valérie Gabail (Domina) – Josh St Clair (Hero) – Neima Naouri (Philia) et Dan March, David Benson, Joseph Claus, Joseph McDonnell, Polina Kapona, Natasha Leaver, Autumn Draper, Harriet Watson, Jessica Sutton, Senayt, Michael Afemaré, Peter Houston et Shakeel Kimotho
– Orchestre du Lido 2 Paris