Benjamin de neuf enfants, Michel Dens naît à Roubaix le 22 juin 1911. En écoutant sa mère, qui avait une mémoire musicale exceptionnelle et qui chantait fort agréablement tous les ouvrages lyriques dont elle était fidèle spectatrice, le jeune garçon prit goût au chant très tôt. À sept ans, il étudie le violon. Épris de musique, il n’envisage pas tout d’abord à faire carrière et se lance dans l’étude de la fabrication des textiles. Lors d’une fête familiale, Michel « pousse la chansonnette ». Un cousin, compositeur d’opérettes, lui trouve du talent et lui conseille d’entrer au conservatoire de Roubaix. Classes de solfège, de diction, de chant avec M. Agnus, un ancien maître de chapelle.
Michel obtient un premier prix de chant, puis un grand prix d’honneur. Malgré tout, il n’est pas encore décidé à faire une carrière artistique, mais les affaires ne sont guère brillantes… Il auditionne donc auprès du directeur des théâtres de Lille et, sur le champ, il est engagé comme second baryton, ce qui lui permet de faire l’apprentissage de la scène (1934). Déjà on remarque son timbre clair et sa diction parfaite.
En 1936, il est engagé à Bordeaux puis bientôt à Grenoble où il devient premier baryton d’opéra-comique. Prisonnier en Allemagne, Michel Dens réussit à s’évader et à rejoindre Toulouse (1942) où André Pernet lui conseille de faire ses débuts dans l’opérette.
Il est ensuite engagé à l’Opéra de Marseille en représentation. Ce qui lui permet de chanter le répertoire classique d’opérette au théâtre du Gymnase : Paganini, Les Cloches de Corneville, La Mascotte, Les Mousquetaires au couvent, Rip… C’est à cette époque qu’il chante pour la première fois, mais à Villeurbanne, Sou-Chong du Pays du Sourire, dont il sera par la suite l’un des plus prestigieux interprètes.
La guerre maintenant terminée, Michel Dens peut se lancer à la conquête de Paris. Il débute ainsi salle Favart le 4 juin 1947 dans Albert de Werther. Quelques semaines plus tard, le 1er août, c’est le Palais Garnier qui l’accueille : Rigoletto puis Othello (Iago), Hérodiade (Hérode), Faust (Valentin), Thaïs (Athanael). À l’Opéra-Comique, il devient le titulaire incontesté du rôle de Figaro (Le Barbier de Séville). Sur cette scène, il chantera encore Escamillo, Frédéric (Lakmé), Lescaut, Ourrias, Zurga (Les Pêcheurs de perles) et créera en 1951, Madame Bovary (Rodolphe) d’Emmanuel Bondeville.
À partir de 1951, Michel Dens chante plus fréquemment l’opérette notamment à la Gaîté-Lyrique où, pendant 8 ans, il sera régulièrement engagé. Après Colorado où il est appelé à prendre la suite du ténor Lou Pizarra, il chantera : Le Pays du sourire, Les Mousquetaires au couvent, Les Cloches de Corneville et Romance au Portugal, nouvelle version de Symphonie Portugaise, de Padilla.
Au début des années soixante, la Gaîté-Lyrique ferme ses portes. Michel Dens chante en province et à l’étranger le répertoire d’opéra sans pour autant abandonner celui d’opérette. En 1961, il reprend salle Favart Les Noces de Jeannette avec, comme partenaire, la délicieuse Liliane Berton, qu’il aura souvent comme partenaire dans le domaine discographique. Il crée à l’Opéra de Lyon La Dame de Pique puis, deux ans plus tard, interprète sur cette scène L’Opéra d’Aran de Gilbert Bécaud.
On peut sans crainte affirmer que Michel Dens a chanté tout le répertoire d’opéra. En opérette, outre les ouvrages déjà cités, le public a apprécié ses prestations dans Rip, Hans, le joueur de flûte, Chanson d’amour, Paganini ou Le Petit Duc. Il reprend sur scène et enregistre Le Moulin Sans-Souci de Parès et Van Parys (créé en 1958).
Plus tard, on retrouve Michel Dens comme organisateur de spectacles et interprète ; à la tête du « Rayonnement Lyrique Français », il est chargé de la saison lyrique d’Arras, Douai et Denain. Pendant plusieurs années, il monte huit ou dix ouvrages par an, donnant sa chance à de jeunes interprètes, tout en se réservant certains rôles.
Dans le domaine discographique, la carrière de Michel Dens est impressionnante. Au cours des années cinquante et au début des années soixante, on le retrouve aussi bien dans les intégrales du Barbier de Séville (en français), de Mireille, Carmen que dans celles de L’Auberge du Cheval Blanc, de Véronique, ou du Pays du Sourire. Et, bien entendu, dans un nombre inégalé de sélections.
À Firminy, le 29 septembre 2000, en terminant, sous les acclamations du public, les 25 airs de son récital lyrique, Michel Dens, âgé de 89 ans, ne pensait pas que c’était là son dernier rendez-vous avec ses fidèles admirateurs. Déjà il envisageait de nouvelles prestations… Hélas, quelques semaines plus tard, le 19 décembre, ce grand baryton s’en allait vers un monde que certains disent meilleur.
Maurice Faure, cité par « Opéra 64 » a dit de lui :
« J’ai admiré son remarquable talent. Ce qui est rare surtout, et qui fait son exceptionnelle qualité, c’est l’alliance du don vocal et de la maîtrise du jeu. Tantôt adroit comédien, tantôt émouvant tragédien, il garde toujours la parfaite mesure. J’observe l’élan de son rythme, comment il le maintient dans les mouvements très rapides, dans les pianissimo les plus ténus : c’est à cette infaillibilité qu’on reconnaît la race. »
Jean-Claude Fournier
— Références Références
Vous retrouverez Michel Dens dans « Opérette » n° 45, 66, 117, 118, 119 & 160. Si l’un de ces articles vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification : 24/02/2024