L’inoubliable interprète de Pelléas n’est plus… Il nous a quittés le 13 mars 2002.
Né à Paris le 22 novembre 1913, Jacques Jansen (Jacques Toupin) a effectué des études musicales complètes. Après cinq années d’apprentissage du violon dans la capitale, il suit des cours de solfège et de basson au Conservatoire de Tours. Notons qu’à Tours également, il fait deux ans d’études à l’Ecole des Beaux-Arts. Après l’armée, il étudie pendant trois ans le chant avec le baryton Charles Panzéra (1896-1876).
En 1938, on retrouve Jacques Jansen élève à la fois du Conservatoire de musique et du Conservatoire d’art dramatique de Paris. Dans le premier de ces établissements, il est l’élève de Claire Croizat (chant) et de Georges Viseur (solfège). Il obtient, entre autres, un premier prix de chant (1940). Dans le second, ses professeurs sont René Simon (diction) et Louis Jouvet (comédie). Il obtient une première médaille de diction et un deuxième accessit de tragédie. Il est engagé sur audition à La Comédie Française pour interpréter Hippolyte de Phèdre aux côtés de Marie Bell.
Mais il se décide pour le lyrique. Doué d’un physique de jeune premier, il fera une brillante carrière dans le domaine de l’opéra, de l’opéra-comique et de l’opérette.
Il fait des débuts dans Pelléas et Mélisande en 1941 au Grand Théâtre de Genève. L’enregistrement de 1941 effectué quelques mois plus tard, sous la direction de Roger Désormière lui vaudra une réputation mondiale. Il chantera le chef d’œuvre de Debussy à Londres, New York, Bruxelles, Lisbonne, Berlin Ouest, Milan, Rome, Buenos-Aires, Tokio… Il en fera une reprise remarquée salle Favart à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’ouvrage, le 30 avril 1952. Raymond Deshays avait pour l’occasion reconstitué les décors de la création et Irène Joachim était la partenaire de Jacques Jansen.
Toujours à l’Opéra-Comique, il crée ou fait la reprise de plusieurs opérettes : création de Malvina de Reynaldo Hahn (12 juillet 1945) (1) avec Germaine Roger (Malvina) ; de Fragonard (1), l’opérette de Gabriel Pierné, auprès de Fanély Revoil (La Guimard) ; de Monsieur Beaucaire (3) de Messager, avec Denise Duval (Mary) ; création mondiale de La Belle de Paris de Georges Van Parys (9 février 1961) avec Claude Bessy ; reprise de La Fille de Madame Angot de Lecocq, Colette Riedinger étant Clairette (10 décembre 1953).
Au Palais Garnier, il débute le 18 juin 1952 dans Les Indes Galantes (Ali). Parmi les œuvres qui ont illustré sa féconde carrière lyrique, on citera également Platée de Rameau (Aix-en-Provence), Les Caprices de Marianne de Sauguet (théâtre des Champs-Elysées), Christophe Colomb de Milhaud et Le Viol de Lucrèce de Britten (Théâtre Colomb de Buenos-Aires), Lakmé de Delibes, Mârouf de Rabaud…
En opérette, en dehors de ses prestations, salle Favart, Jacques Jansen a créé avec Germaine Roger, au théâtre Marigny, A l’aimable Sabine de Louis Beydts (1948) puis, avec la même partenaire, assuré une reprise « revisitée » de La Grande Duchesse de Gérolstein à la Gaîté-Lyrique. (1948). Il a été un brillant Danilo et a chanté La Veuve Joyeuse plus d’un millier de fois : à Mogador à deux reprises (en 1942 avec Jeanne Aubert, en 1957 avec Jenny Marlaine et sur les scènes de province.
À Mogador encore, avant La Veuve, il a terminé la série de représentation des Amours de Don Juan, succédant pour quelques semaines à Marcel Merkès.
Il interprètera bien d’autres ouvrages « légers » : Véronique, La Poule Noire, Moineau… et fera ses adieux à la scène en interprétant Duparquet de Ciboulette, un rôle qu’il avait souvent interprété sur scène. Il s’agissait d’une nouvelle production des Opéras de Monte-Carlo et de Montpellier, diffusée par France 2 pour les fêtes de fin d’année 1985.
Au cinéma, Jacques Jansen a tourné une nouvelle version de La Ronde des Heures (4) en 1949. Il a participé à quelques autres films dont La Malibran de Sacha Guitry avec Geori Boué.
Il aura également été un interprète de mélodies très apprécié et soliste dans de grands orchestres (Colonne, Pasdeloup).
On ne peut ignorer sa carrière de metteur en scène qu’il a exercée pendant un an à l’Opéra de Marseille puis sur diverses scènes mondiales. En particulier, en 1958 au Japon, il a mis en scène Pelléas et Mélisande et interprété le rôle qui l’a rendu célèbre. Pendant cinq ans, Jacques Jansen a été professeur au Conservatoire de Marseille, puis professeur d’art lyrique au Conservatoire de Paris, enfin professeur de technique vocale à l’Opéra-Studio.
Une carrière particulièrement riche et bien remplie. Un interprète d’exception. Un physique à l’avenant. L’art lyrique français a perdu l’un de ses plus prestigieux serviteurs.
Jean-Claude Fournier
(1) création mondiale, Gaîté-Lyrique, le 23 mars 1935, avec Roger Bourdin et Renée Camia
(2) création mondiale, Porte Saint-Martin, le 17 octobre 1934, avec André Baugé et Jane Marnac.
(3) création française, Marigny, le 20 novembre 1925, avec André Baugé et Marcelle Denya.
(4) première version en 1931 avec André Baugé
—Discographie
Deux enregistrements de Pelléas : celui de 1941 avec Irène Joachim (repiquage en vinyle de 20 disques 78T) ; le second en 1957 avec Victoria de Los Angeles. Également Lakmé avec Mado Robin ; Platée avec Michel Sénéchal ; récital Debussy-Chabrier-Ravel ; récital Reynaldo Hahn…
En opérette, La Veuve joyeuse avec Denise Duval (extraits) et, plus curieusement, Ta bouche avec Suzanne Lafaye (extraits). Avec l’orchestre lyrique de l’ORTF, il a enregistré l’intégrale de Monsieur Beaucaire (avec Claude Bergeret) et Malvina (avec Lina Dachary)
—Références
Vous retrouverez Jacques Jansen dans « Opérette » n° 124. Si cet article vous intéresse, vous pouvez le consulter en allant sur notre page « Revue “Opérette” »
Dernière modification : 10/02/2024