La Veuve joyeuse, Opéra de Marseille
jeudi 4 janvier 2024

La Veuve joyeuse, Opéra de Marseille

« La Veuve joyeuse » Léo Vermot-Desroches, Anne-Catherine Gillet, Perrine Madoeuf, Régis Mengus
© Christian Dresse

 

Comme La Vie Parisienne, dont le mérite est de remplir à tous coups les salles, La Veuve Joyeuse a la même vertu. Il faut dire que Jacques Offenbach et Franz Lehár sont un peu les compositeurs choyés en France, bien qu’ils soient l’un et l’autre de pays d’origine germanique. Pour avoir la chance de disposer de deux théâtres lyriques, Marseille peut aisément alterner les spectacles d’opérette tantôt à l’Odéon et tantôt à l’Opéra. On ne peut que s’en réjouir dans une période où malheureusement les titres du lyrique léger se font rares en France.

L’œuvre de Lehár a pris ses quartiers pour les fêtes de fin d’année dans une production qui vient de l’Opéra de Saint-Étienne et une mise en scène de son ancien directeur, Jean-Louis Pichon. La scénographie nous propose un décor unique, essentiellement de couleur bleue et fait de divers panneaux à cour et jardin avec au sol un escalier en demi-cercle. Dans cette scénographie on trouve des guirlandes de fleurs et les costumes y sont à la fois originaux et somptueux. Avant l’ouverture, deux danseurs esquissent une valse sur le motif de l’heure exquise et ensuite tout au long de l’œuvre les danseurs et danseuses seront quasiment en groom y compris d’ailleurs sur le fameux cancan qui clôture l’œuvre. L’époque est indéterminée mais cela pourrait être une variation fantaisiste sur les années 1930 avec un parti pris de fleurissement tous azimuts y compris sur les robes et tout particulièrement sur celle que Missia porte au dernier acte. Danilo est en costume blanc, quant au baron il arbore un costume aussi somptueux qu’extravagant, et ainsi de suite pour tous les protagonistes.

Au deuxième acte alors que Missia chante son air célèbre sur Wylia, les danseurs en contrepoint exécutent une chorégraphie qui fait référence aux amours contrariés de la dryade et du chasseur : un joli pas de deux parfaitement exécuté. À noter, comme il est de tradition dans la version française, que le duo entre Nadia et Camille qui précède l’air du « Pavillon » est coupé pour des raisons d’autant plus inexplicables qu’il fut reconstitué intégralement dans les représentations proposées à l’Odéon avec de surcroît, l’air de  Figg « Je suis un parisien » qui permet d’introduire dans l’œuvre un malicieux clin d’œil en un numéro de type cabaret.

Anne-Catherine Gillet interprète le rôle de Missia avec des qualités de musicienne indéniables, une belle conduite de la voix et une parfaite expression, mais est-ce vraiment le personnage auquel il manque ce grain de folie et de volupté ? Perrine Madoeuf dessine une attachante Nadia, que nous avions déjà appréciée lors de sa prestation dans le même emploi à l’Opéra de Nice avec un timbre charnu et voluptueux. Régis Mengus nous offre un Danilo désinvolte mais aussi désabusé. Le comédien se montre toujours aussi adroit et le chanteur fait étalage d’un timbre chaud de baryton. Léo Vermot-Desroches (qui a brillamment remporté le deuxième prix au concours des voix nouvelles) incarne pour sa part, un Camille de Coutançon de belle allure, faisant valoir un timbre clair et une parfaite articulation, d’une voix qui s’épanouit aisément sur les notes aiguës et le contre-ut s’avère particulièrement facile dans l’air redoutable « Hors de la tige, un bourgeon ». Marc Barrard mène depuis de longues années en parallèle une carrière d’opéra et d’opérette (ne fut-il pas à la fois le Comte de Nevers dans Les Huguenots mais aussi Bistagne dans L’Auberge du Cheval Blanc ?), le voilà ici dans un Baron Popoff certes pittoresque mais dont on apprécie une certaine retenue dans le burlesque. Et puis, on a retrouvé avec plaisir Jean-Claude Calon quelques semaines après son amusant Pénible dans Un de la Canebière, pour une interprétation très drôle et évaporée de Figg. Toute une série d’artistes méritoires que l’on applaudit fréquemment à Marseille, soit sur une scène soit sur l’autre, complètent fort bien la distribution.

Mentionnons la chance souvent rare dans une opérette : celle d’avoir un orchestre au grand complet aux alentours d’environ 70 musiciens d’après ce que nous avons pu compter, lesquels rendent justice à ce patrimoine viennois et à ses partitions foisonnantes qui sont d’une exigence égale à celle de l’Opéra et tout particulièrement lorsque cet orchestre bénéficie de la baguette d’un chef aussi confirmé que Didier Benetti qui fait toujours merveille dans un répertoire avec lequel il est en totale affinité.

Christian Jarniat

4 janvier 2024

Imprimer
Cookies
Nous utilisons des cookies. Vous pouvez configurer ou refuser les cookies dans votre navigateur. Vous pouvez aussi accepter tous les cookies en cliquant sur le bouton « Accepter tous les cookies ». Pour plus d’informations, vous pouvez consulter notre Politique de confidentialité et des cookies.