Die blaue Mazur (La Mazurka bleue), Bad Ischl (Autriche)
vendredi 8 août 2025

Die blaue Mazur (La Mazurka bleue), Bad Ischl (Autriche)

© Foto Hofer

La redécouverte d’un joyau oublié

Il fallait l’audace du Festival Lehár pour exhumer Die blaue Mazur (La Mazurka bleue), opérette créée à Vienne le 28 mai 1920 au Theater an der Wien et jamais encore présentée sur la scène du Festival de Bad Ischl. L’œuvre, commencée par Franz Lehár en 1918, porte en elle toute la mélancolie d’un monde sur le point de disparaître : celui de la monarchie austro-hongroise, avec ses barons et ses comtesses, ses salons viennois et son étiquette surannée. Ici, le faste et les convenances côtoient les fissures d’un ordre social bouleversé par la Première Guerre Mondiale et l’abolition de la noblesse.

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L’intrigue suit Blanka von Lossin, comtesse viennoise mariée par amour au comte polonais Julian Olinski. L’homme, volage et attiré par la danseuse Gretl, finit par se confronter à lui-même. Le cœur de l’action bat au rythme de la fameuse « Mazurka bleue » où Julian, enfin réconcilié avec son épouse, lui prouve sa fidélité. On croyait l’histoire sauvée par ce geste, jusqu’à un dénouement inattendu imaginé par la metteuse en scène qui nous laisse stupéfaits : le héros meurt, brisant net l’illusion de la réconciliation éternelle.

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Sous la mise en espace subtile d’Angela Schweiger, la version semi-scénique met en tension plusieurs niveaux narratifs. Tandis que le couple principal, figé dans les codes anciens, navigue entre idéaux amoureux et désillusions, Adolar Lucas Karzel) et Gretl (Marie-Luise Engel Schottleitner), irrésistibles en contrepoint comique, introduisent légèreté, autodérision et une vision plus libre des relations. Les duos dansés et chantés à la perfection par ce second couple, portés par un sens aigu du rythme et de la complicité scénique rare, offrent un équilibre précieux à la gravité de l’intrigue.

Lehár explore ici des thèmes universels : l’amour, la perte, le désir, la solitude, mais y insuffle la conscience douloureuse d’une rupture historique. Ses valses et mazurkas, empreintes de nostalgie, résonnent comme des échos d’un monde révolu. Les moments de musique pure, souvent de véritables flash-back sonores, baignent la soirée dans une lumière douce-amère.

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L’Orchestre du Festival Lehár, dirigé avec précision et souplesse par Marius Burkert, s’impose comme un partenaire narratif à part entière. Mention spéciale au premier violon et au premier violoncelle, qui ont distillé un lyrisme d’une tendresse infinie, donnant chair aux émotions les plus intimes des personnages. Le chœur, préparé par Matthias Schoberwalter, impressionne par sa cohésion et sa puissance vocale et scénique.

Visuellement, la soirée séduit autant que par le son : les costumes éclatants signés Peter Plaschek capturent l’élégance de l’époque tout en jouant de ses contrastes, et la chorégraphie de Katharina Glas insuffle une énergie vive aux scènes dansées.

Les deux interprètes principaux Daniel Pataky (Julian Olinski) et Corina Koller (Blanka von Lossin) déploient des voix pleines et souples alternant ampleur, aigus assurés et mezza voce suaves, avec une mention spéciale pour la soprano Corina Koller qui incarne toute la complexité de Blanka, passant de la fragilité blessée à la passion affirmée. Citons encore Martin Achrainer et Claudiu Sola en tous points excellents respectivement en baron Von Reiger et Leopold Klammdatsch.

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Die blaue Mazur n’est pas une simple curiosité exhumée pour le plaisir des collectionneurs d’opérettes : elle révèle, dans ce traitement intelligent et sensible, la profondeur psychologique que l’on attribue rarement au genre avec une partition exigeante (et des finals musicalement développés) digne des meilleurs Lehár.

Un trésor enfin dévoilé à Bad Ischl et qui, ce soir là, a laissé la salle à la fois émue, surprise et admirative.

Cécile Beaubié
8 août 2025

Die blaue Mazur (La Mazurka bleue) (Franz Lehár)

Direction musicale : Marius Burkert – Mise en scène : Angela Schweiger – Chorégraphie :Katharina Glas – Costumes  Peter Plaschek – Directeur du chœur : Matthias Schoberwalter

Distribution :
Daniel Pataky (Julian Graf Olinski) – Corina Koller (Blanka von Lossin) – Martin Achrainer (Clemes Freiherr von Reiger) – Lucas Karzel (Adolar von Sprinz) – Claudiu Sola (Leopold Klammdatsch) – Marie-Louise Engel Schottleitner ©©(Gretl Aigner) – Philip Guirola Paganini (Freyhoff und Diener Alois)

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