Ubu Roi – Théâtre de l’Athénée
mercredi 16 octobre 2024

Ubu Roi – Théâtre de l’Athénée

“Ubu Roi”  (© Christophe Raynaud Delage)

Ubu Roi, c’est un texte surréaliste avant l’heure d’Alfred Jarry – par ailleurs auteur d’un essai sur la pataphysique – c’est aussi une délicate musique de scène de Claude Terrasse, autre adepte de l’extravagance et de la parodie.
Lors de sa création en 1896, cet ouvrage fut perçu comme scandaleux par certains, proche du génie par d’autres, ce qui lui valut de n’être repris que 12 ans plus tard, après la mort de son auteur.

Le Père Ubu, personnage à la fois truculent et grotesque, manipulé par l’ambition démesurée de la Mère Ubu, se lance sans le moindre scrupule à la conquête du pouvoir ; « À la trappe » clame t-il pour éliminer les gêneurs… à toutes époques, y compris la nôtre, ce n’est pas sans évoquer les travers de certains puissants.

Pour ces représentations au théâtre de l’Athénée, le metteur en scène Pascal Neyron, dans une conception inventive, ajoute le ridicule à l’absurde, le tout dans des décors minimalistes, avec le renfort de costumes complètement farfelus et d’éclairages savamment dosés pour créer l’ambiance propre à chaque situation.
C’est ainsi que, répondant au célèbre « merdre», la scène apparaît jonchée d’étrons, ou peut-être de boyaux, tombés des cintres en de longs tubes noirs articulés serpentiformes avec lesquels les protagonistes jouent allégrement, et d’où naissent toutes sortes de représentations matérielles ou symboliques au fil de leurs utilisations.

Ubu Roi 1
(© Christophe Raynaud Delage)

Les comédiens n’ont pas la tâche facile, mais ils s’en tirent avec brio, que ce soit Paul Jeanson en Père Ubu timoré avant de se sentir pousser des ailes de dictateur, ou Sol Espeche, une Mère Ubu époustouflante dans ses ardeurs meurtrières, et tous les autres – certains tiennent plusieurs rôles – ont parfaitement intégré leurs personnages et se donnent à fond.

C’est l’occasion de découvrir la musque originale de Claude Terrasse, dans sa version pour orchestre, exhumée par Christophe Mirambeau pour les Frivolités Parisiennes, restaurée par Jean-Yves Alzic, et interprétée par 11 musiciens cachés en fond de scène. Claude Terrasse, qui s’était enthousiasmé à la lecture de la pièce, avait aussitôt proposé d’écrire une musique de scène, d’abord pour piano – qu’il tint lui-même lors de la première représentation, puis pour orchestre (cuivres, bois, percussions et contrebasse). Les interventions musicales ponctuent avec bonheur, et le plus souvent brièvement, les péripéties de la pièce ; mais, étonnamment, la composition apparaît comme trop sage, trop élégante, alors qu’on connaît la fantaisie dont a fait souvent preuve ce musicien, que ce soit pour La Fiancée du scaphandrier, Les Travaux d’Hercule, et tant d’autres. Et, par ailleurs, malgré l’apparition furtive de quelques musiciens, on ressent comme une rupture entre les scènes jouées et les intermèdes musicaux, qui apparaissent comme plaqués, certes à des moments opportuns, parfois comme des respirations, mais sans lien perceptible avec l’action, ou si peu.

En conclusion, ce fut vraiment une excellente soirée, mais je reprocherai seulement à cette version d’être trop sage, pas assez déjantée, et malgré ses outrances, parfois trop proche de notre quotidien, alors qu’on aimerait rire davantage, sans arrière pensée ; c’est aussi ça, le côté «ubuesque».

Christiane Izel
16 octobre 2024

Ubu Roi
Production : Les Frivolités Parisiennes – Coproduction : Opéra de Reims – Mise en scène : Pascal Neyron – Collaboration artistique : Charles-Alexandre Creton – Scénographie et création lumière : Camille Duchemin – Régie lumières : Damien Valade – Création costume : Sabine Schlemmer – Réalisation costumes : Julia Brochier & Clémentine Tonnelier – Création make up et perruques : Maurine Baldassari – Habilleuse : Mélanie Leprince – Régie générale et régie plateau : Alexis Noël – Régie scène : Coralie d’Almeida.

– Les musiciens des Frivolités Parisiennes : Gladys Avignon, Cédric Bonnet, Lucas Dessaint, Benjamin El Arbi, Arthur Escriva, Damien Fourchy, Mathieu Franot, Guillaume Girma, Elsa Loubaton, Martin Malatray, Vincent Radix.
Établissement du matériel musical et restauration : Christophe Mirambeau / Jean-Yves Aizic.©
Avec :
Sol Espeche (Mère Ubu) – Nathalie Bigorre (La Reine, La Czarine, une noble) – Elisabeth de Ereño (Bougrelas, une noble, une conseillère) – Paul Jeanson (Père Ubu) – Jean-Louis Coulloc’h (Le Roi, Le Czar, un noble) – Emmanuel Laskar (Capitaine Bordure).

Imprimer
Cookies
Nous utilisons des cookies. Vous pouvez configurer ou refuser les cookies dans votre navigateur. Vous pouvez aussi accepter tous les cookies en cliquant sur le bouton « Accepter tous les cookies ». Pour plus d’informations, vous pouvez consulter notre Politique de confidentialité et des cookies.